MÉMOIRE DE L’ORGANIZATION AND SYSTEMS DEVELOPMENT INC.

CAPITAL PRIVÉ POUR GAIN PUBLIC

Synopsis

La demande des Canadiens pour des services sociaux et de santé à financement public augmente plus vite que la croissance économique. Le défi pour le gouvernement consiste à réduire les dépenses de santé tout en préservant la qualité des soins, de façon à répondre à la croissance de la demande avec le même financement qu’aujourd’hui. L'une des solutions consiste à élargir le recours aux indicateurs et méthodes de productivité dans la prestation des services. Si la productivité augmentait en moyenne de 25 %, on pourrait éviter d'accroître les dépenses pendant trois ou quatre ans ; si le taux d'accroissement était de 50 %, pendant une décennie ou plus.

En période de budget déficitaire, le gouvernement a besoin d'avoir accès à de nouveaux capitaux privés. L'investissement privé pour le bien public n'est pas un nouveau concept mais les dons de bienfaisance privés sont insuffisants pour répondre à ce besoin de capital. La solution est le financement à impact social, vrai modèle d'investissement capable d'attirer le capital nécessaire. Le financement à impact social est fondé sur des données probantes et offre un impact social et un rendement réel mesurables. Les investisseurs placent leur argent dans des investissements sociaux produisant un bénéfice public mesurable, lequel est évalué et validé par une vérification indépendante. Les investisseurs obtiennent un rendement correspondant à une partie de la valeur de l'impact social issu de l'argent public économisé.

Essayer d'économiser par la productivité n'est pas sans risque mais le secteur privé le fait régulièrement. Exploiter l'expérience privée à des fins publiques exige un incitatif public que le gouvernement peut contrôler. Bien que le financement à impact social puisse être géré directement par le gouvernement, il peut aussi l’être indirectement, sous forme d'incitatif fiscal, à moindre coût. Les réclamations annuelles de crédit d'impôt assurent un niveau de transparence facilitant grandement le contrôle gouvernemental du ratio crucial entre le rendement public et le rendement privé, tout en permettant la participation du gouvernement après la réalisation des investissements et des économies, afin de minimiser le risque public.

Le financement à impact social (FIS) commercialise le rendement public de l'investissement privé en mettant le capital privé au travail pour obtenir un gain public.

Recommandations

1.    Que le Canada stimule le contrôle des coûts, la réduction des coûts et les économies dans les services sociaux et de santé professionnels financés par les pouvoirs publics et par les organismes de bienfaisance en élargissant le recours aux indicateurs et méthodes de productivité dans la prestation des services.

2.    Que le Canada utilise le financement à impact social pour attirer du capital privé dans la recherche et l’implantation d'innovations de prestation des services afin d’accroître leur productivité, de façon à engendrer des économies publiques.

3.    Que le Canada utilise des incitatifs fiscaux pour administrer et contrôler les rendements publics et privés du financement à impact social, de façon à assurer un gain public maximal tout en fournissant un rendement raisonnable aux investisseurs.

Introduction

La demande des Canadiens pour des services sociaux et de santé à financement public augmente plus rapidement que la croissance économique. Avec l'accroissement, le vieillissement et la diversification croissante de la population, il est certain que cette demande continuera d'augmenter. La méthode traditionnellement employée pour satisfaire cette croissance de la demande exige un accroissement proportionnel des dépenses publiques, lequel engendre cependant des déficits budgétaires et empêche de répondre à d'autres priorités du gouvernement. Le Canada a donc besoin de plus de services sociaux et de santé à financement public, mais à moindre coût. Si l'on veut réduire les dépenses de santé et mieux maîtriser les coûts de la santé, le défi consiste à trouver de bons indicateurs de soins, à bien évaluer leur évolution et à valider les changements.

L'an dernier, la vérificatrice générale du Canada a été ovationnée lorsqu'elle s'est adressée à une conférence nationale de professionnels de la santé en disant que, malgré les nombreux indicateurs actuellement utilisés dans le secteur de la santé, rien ne permet de juger la valeur des milliards de dollars de deniers publics consacrés à la santé, ni de déterminer avec précision à quels secteurs il faudrait les consacrer. Aujourd'hui, quand on réduit les dépenses, cela se traduit par une réduction directe et proportionnelle des services dispensés à la population. Le problème est donc de savoir comment passer du contrôle budgétaire au contrôle des coûts, de façon à obtenir plus de services avec les budgets existants.

Mesure et évaluation des soins

Le financement des services sociaux et de santé sert à acheter des soins qui sont dispensés aux clients admissibles par des praticiens qualifiés. Les soins sont dispensés dans une succession de transactions de service planifiées, chacune ayant une durée en heures et en minutes. Changer l'utilisation du temps des praticiens donne du sens aux autres mesures de rendement des services. Par exemple, quand une agence a annoncé avec fierté une hausse de 20 % du nombre de ses clients, elle a aussi indiqué que le nombre d'heures de service par client était resté le même, ce qui veut dire que plus de clients ont reçu moins de soins. De même, un rapport indiquant une baisse de 37 % des temps d'attente ne révélait pas d'office une amélioration du rendement. Par contre, si les heures de soins par client avaient augmenté d'une période à l’autre et que les temps d'attente avaient diminué entre ces périodes, le rendement s'était effectivement amélioré. Les soins correspondent au temps que les praticiens passent auprès de leurs clients, et cette mesure donne du sens aux autres mesures de rendement des services.

Le temps consacré aux soins peut être évalué. Par exemple, on indiquait dans le rapport susmentionné que l'agence avait utilisé 3,6 millions de dollars pour employer 30 praticiens afin de dispenser des services aux clients. Ces 30 praticiens avaient pu desservir 1 200 clients durant l'année considérée, contre 1 000 l'année précédente, avec le même niveau de soins.

 

Année 1

Année 2

Différence

Pourcentage

Financement de l'agence

3 600 000 $

3 600 000 $

0

0

Praticiens

30

30

0

0

Clients desservis

1 000

1 200

200

20 %

Temps/client (heures)

25

25

0

0

Coût/serv.-heure

144 $

120 $

-24 $

-17 %

Temps de service (heures)

25 000

30 000

5 000

20 %

Dans le tableau ci-dessus, le financement est resté le même entre la première et la deuxième année, tout comme le nombre de praticiens. En revanche, le nombre de clients a augmenté de 200, soit 20 %, alors que le temps moyen consacré par les praticiens à leurs clients respectifs est resté le même, à 25 heures par client par année. Toutefois, à cause de l'augmentation du nombre de clients desservis, le temps total de soins dispensés par les praticiens aux clients durant l'année a augmenté de 5 000 heures, ce qui représente une hausse de 20 % de leur productivité. Cette hausse de productivité des soins représente une épargne de 720 000 $ (5 000 heures de soins à 144 $ l'heure) durant l'année pour l'agence et son bailleur de fonds. Ce calcul de la productivité des soins fournit l'indicateur et l’évaluation nécessaires pour réduire le coût des soins et rehausser la maîtrise des coûts.

Plus de soins à moindre coût

Les praticiens professionnels dispensent des soins de santé et des services sociaux à leurs clients. La partie de leur travail qui possède la plus grande valeur concerne les soins auxquels il leur a fallu consacrer des années d'études et de pratique pour se qualifier. Or, cette partie de leur travail n'a cessé de s'amoindrir au cours des années parce qu'ils doivent consacrer une part croissante de leur temps de travail à des choses telles que l'enregistrement des cas, la production de rapports, l'extraction et l'analyse d'informations, et la coordination de leur travail avec un nombre croissant de collègues. On peut donc économiser de l'argent sur la prestation des services en ayant recours à la technologie pour faciliter la réaffectation du temps de travail des praticiens en réduisant l'appui aux services aux clients au profit du travail direct auprès des clients.

Permettre aux praticiens de modifier la répartition de leur temps de travail entre les différents processus de prestation des services peut rehausser leur productivité. Dans 11 organismes dispensant divers services sociaux et de santé à financement public, des investissements privés de 9 millions de dollars ont permis à 177 praticiens d'accroître leur productivité de 54 % en moyenne et de dispenser pour 50 millions de dollars de nouveaux services aux clients, comme le montre le tableau ci-après.

Financement de base et valeur des économies sur les services, par année

Économies

Financement de base

La partie jaune du tableau illustre la taille relative de la valeur des nouveaux services (les économies) dispensés grâce aux gains de productivité. La partie verte illustre la taille relative du financement de base fourni chaque année par le gouvernement à ces organismes. Ces investissements privés démontrent que la productivité offre la possibilité de dispenser plus de soins aux Canadiens à un moindre coût.

Défis du changement

Bien que les méthodes et mesures de productivité soient un moyen pour réduire les coûts de la santé et en rehausser la maîtrise, la question est de savoir comment le gouvernement peut moduler le changement des méthodes de prestation des services pour passer d'économies de 50 millions de dollars à 50 milliards. Voici quelques-uns des principaux défis à relever :

réaliser 50 milliards d'économies coûtera 10 milliards de dollars et, en période d’austérité budgétaire, le gouvernement aura besoin de nouvelles sources de capital ;

comme bon nombre d'organismes de prestation des services enregistrent des déficits opérationnels, il ne sera pas possible de trouver du capital pour les trois premières années de gains de productivité équivalant à 15 % de leurs budgets opérationnels ;

à l'heure actuelle, la productivité n'est pas prise en compte dans le financement ou la prestation des services sociaux et de santé à financement public, et l'administration publique n'a aucune expérience de la gestion du risque des investissements de productivité ;

sensibiliser aux mesures et aux changements de productivité les milliers d'organismes publics et privés qui dispensent des centaines de programmes de services sociaux et de santé à financement public prendra du temps :

bon nombre de praticiens professionnels estiment que la productivité n'a aucune incidence sur la manière dont ils dispensent les services ;

certains cadres affirment qu'on ne peut tout simplement pas demander à leur personnel de travailler plus ;

certains organismes publics de financement imposent des exigences extraordinaires aux praticiens en leur demandant de présenter à intervalles réguliers des pages et des pages de données sur chaque client, ce qui réduit de 25 % le temps dont ils disposent pour dispenser des soins ;

certains gestionnaires publics estiment que les indicateurs de productivité ou la valeur des économies engendrées par les gains de productivité « ne leur servent à rien » ;

lors d'une conférence sur la productivité, le doyen d'une école nationale de gestion déclarait récemment que l'absence de toute référence à la productivité dans le secteur de la santé publique s'explique par le fait que « tout le monde s’en moque ».

Essayer de faire des économies de productivité dans les services sociaux et de santé à financement public est un grand défi, non seulement du point de vue de l'identification des innovations sociales qui engendreront des résultats réels et mesurables, mais aussi du point de vue de l'implantation de ces innovations dans les milliers d'organismes publics et privés qui dispensent ces services aux Canadiens.

Un choix stratégique

Le financement à impact social est une forme de financement social par du capital privé semblable aux dons de bienfaisance mais offrant un plus grand potentiel de rassemblement des centaines de millions de dollars nécessaires pour lancer des investissements de productivité. À la différence des dons de bienfaisance, où l'investisseur fait directement don de son argent, le financement à impact social est un vrai modèle d'investissement. Le financement à impact social est fondé sur des données probantes, avec un impact social et un rendement de l'investissement mesurables. Les investisseurs placent leur argent dans des innovations sociales qui sont offertes gratuitement aux organismes de services sociaux et de santé à financement public, et ces innovations leur permettent de préserver la qualité des soins, d'améliorer la reddition de comptes aux bailleurs de fonds, et de satisfaire la demande croissante de services en pouvant dispenser plus de services à leurs clients sans accroissement de leur financement. Les indicateurs de ce bénéfice public peuvent être évalués et validés par une vérification indépendante. Les investisseurs réalisent ces investissements principalement pour obtenir un rendement financier qui représente une partie de la valeur de l'impact social.

La clé du bien public, dans le financement à impact social, est le succès privé dans la découverte et l'implantation des innovations sociales qui permettront aux organismes et à leur personnel de générer des rendements sociaux substantiels et mesurables de valeur et valides. Comme le rendement de l'investissement est fonction des rendements sociaux qui constituent le gain public, les investisseurs veilleront à ce que des critères de gain public soient appliqués durant tout le processus d'investissement. Appliqués à l'accroissement de la productivité des soins, les indicateurs de productivité normaux du monde des affaires fournissent des mesures fiables du bénéfice commercial et peuvent être appliqués aux services professionnels à financement public. Fondés sur l'utilisation du temps du personnel, les gains de productivité peuvent être évalués de manière fiable en les comparant aux coûts de référence. Les indicateurs de productivité et la valeur des services engendrés par les gains de productivité constituent une base fiable pour valider la valeur du gain public par une vérification. Les indicateurs qui attireront les investisseurs sont les mêmes qui donneront au gouvernement l'assurance de la valeur du gain public.

Incitatif fiscal

Les risques posés par l'élaboration et l'implantation des changements de productivité sont bien connus dans le secteur privé. Exploiter l'expérience privée à des fins publiques exige un incitatif public que le gouvernement peut contrôler grâce à des années d'investissement et de changement. Bien que le financement à impact social puisse être géré directement par le gouvernement, il peut l’être aussi indirectement, sous forme d'incitatif fiscal, à moindre coût. Employer des vérificateurs pour obtenir des rapports sur les investissements privés et les rendements sociaux en économies publiques fonctionne bien dans le contexte du cycle fiscal annuel. Les réclamations annuelles de crédits d'impôt permettent de surveiller en même temps les coûts d'investissement et les rendements sociaux, et ce niveau de transparence facilite le contrôle gouvernemental du ratio crucial entre le rendement public et le rendement privé de ces investissements. Les incitatifs fiscaux assurent la participation du gouvernement après la réalisation des investissements et des économies, ce qui minimise le risque public dans la recherche et l'obtention d’économies publiques.

Hausse de l'épargne publique

Le financement à impact social constitue un incitatif à l'investissement privé pour réaliser des économies publiques dans les services sociaux et de santé à financement public. À mesure que le secteur privé contribue aux innovations de productivité dans la prestation des soins, les investissements privés augmenteront substantiellement. Étant donné la nature même de ce modèle de financement, on peut s'attendre à ce que la valeur du rendement public de 500 millions de dollars d'investissement privé, par exemple, atteigne en parallèle 2,5 milliards de dollars d'économies du fait de l'accroissement des services dispensés aux clients à même le financement public existant. L'incitatif pour les investisseurs privés, reflétant une partie de la valeur du gain public prouvé, assure la continuation des investissements, non seulement dans l'implantation d’innovations sociales prouvées mais aussi dans la recherche de nouvelles innovations. Le financement à impact social commercialise le rendement public de l'investissement privé en mettant le capital privé au travail pour un gain public. Le bénéfice économique des économies publiques, conjugué au bénéfice social de services sociaux et de santé accrus et meilleurs, représente un bon investissement politique.